Tests d'alcoolémie et de détection de drogues sur le lieu de travail
Lorsqu'un employeur a des preuves certaines qu’un de ses travailleurs se trouve sous influence d'alcool ou de drogues, il pourrait envisager de faire subir à ce travailleur un test d'alcoolémie ou de détection de drogues afin de récolter des preuves. Mais un employeur peut-il procéder à ce genre de tests sans autre condition ? Le fait d'imposer ce test ne constitue-t-il pas une violation de la vie privée du travailleur ?
Un employeur ne peut pas faire subir à un travailleur un test d'alcoolémie ou de détection de drogues sans raisons. Lorsqu'un employeur veut procéder à un tel test, il doit répondre à un certain nombre de conditions.
La réalisation de tests d'alcoolémie ou de détection de drogues sur le lieu de travail doit toujours faire partie d'une politique générale préventive de l'employeur en matière d'alcool et de drogues. Cette politique doit clairement mentionner les modalités dans lesquelles les tests de dépistages pourront être réalisées. Ces modalités doivent en outre être reprises dans le règlement de travail, selon des modalités prévues par convention collective de travail.
Les modalités qui doivent être reprises dans le règlement de travail portent sur :
- la nature des tests qui peuvent être mis en œuvre ;
- le (les) groupe(s) cible(s) de travailleurs qui peut (peuvent) être soumis aux tests ;
- les procédures qui doivent être suivies lors de la mise en œuvre de ces tests ;
- les personnes compétentes pour mettre en œuvre ces tests ;
- le (les) moment(s) où des tests peuvent être organisés ;
- les conséquences possibles d'un résultat de test positif.
L'organisation de tests d'alcoolémie et de détection de drogues doit en outre répondre aux conditions suivantes :
- les tests peuvent uniquement être utilisés dans un but de prévention, c'est-à-dire afin de vérifier si un travailleur est ou non apte à exécuter son travail ;
- l'employeur ne peut utiliser le résultat du test d'une manière incompatible avec cette finalité. La poursuite de cette finalité ne peut certainement pas avoir pour conséquence que d'éventuelles décisions de sanction par l'employeur soient uniquement basées sur des données obtenues par le biais de ces tests ;
- le test d'alcoolémie ou de détection de drogues doit être adéquat, pertinent et non excessif au regard de cette finalité ;
- un test d'alcoolémie ou de détection de drogues ne peut être mis en œuvre que si la personne concernée y a consenti conformément aux dispositions légales en vigueur ;
- la possibilité de procéder à des tests d'alcoolémie ou de détection de drogues ne peut donner lieu à aucune discrimination entre travailleurs. Cette disposition laisse ouverte la possibilité de limiter les tests d'alcoolémie ou de détection de drogues à une partie du personnel de l'entreprise concernée, pour autant qu'elle soit respectée ;
- le traitement des résultats de tests d'alcoolémie ou de détection de drogues en tant que données à caractère personnel dans un fichier est interdit.
Le plus souvent, aucune information relative à l'état de santé d'un travailleur n'est obtenue avec des tests d'alcoolémie et de détection de drogue. Les données recueillies ne sont donc en principe pas considérées comme des données sensibles au sens de l’article 9 du RGPD. Néanmoins, lorsque le traitement des résultats du test constitue en un traitement de données relatives à la santé, l’APD estime que cela peut et doit alors se faire dans le respect des principes du RGPD.
La mise en œuvre d'un test de dépistage impliquant une ingérence dans la vie privée du travailleur, il faut tenir compte des principes protégeant sa vie privée. Un de ceux-ci est le principe de proportionnalité. Ainsi par exemple, du point de vue de la proportionnalité, un test d’haleine est moins intrusif qu’une prise de sang et est dès lors davantage recommandé.
Lorsque l'on opte quand même pour une prise de sang, la réalisation de ce test, qui est un acte médical, devra quoi qu'il en soit être assurée par un professionnel de la santé (par exemple le médecin du travail). L'employeur ne peut recevoir du médecin traitant ou du médecin du travail qu’un rapport mentionnant seulement que la personne concernée a suivi le traitement tel que proposé dans le contrat.
La finalité du test ou de l’analyse demandé(e) par l’employeur au médecin du travail est également importante. Il devra s’agir d’une finalité préventive (par exemple en cas de test positif, affecter le travailleur à une fonction comportant moins de risques ou moins de contacts avec le public) et non disciplinaire. En outre, le test doit aussi s’avérer nécessaire et pertinent pour atteindre cette finalité préventive (cela signifie dans l'exemple précité qu’il devra s'agir d'un travailleur qui exerçait encore récemment une telle fonction à risques ou impliquant des contacts avec le public).
La mise en œuvre d'un test d'alcoolémie ou de détection de drogues requiert toujours le consentement du travailleur.
En cas de signes extérieurs d'abus d'alcool sur le lieu de travail, le travailleur s'expose à d'éventuelles mesures disciplinaires. On peut toutefois renoncer aux mesures disciplinaires si le membre du personnel signe une charte de confiance. Cette charte de confiance définit les étapes d'un traitement auquel le travailleur devra se tenir afin de regagner la confiance de son employeur. On procédera ainsi entre autres à un test d'haleine ou à une prise de sang jusqu'à 3 mois après le traitement et moyennant le consentement de la personne concernée.
Même lorsqu'un tel test est réalisé dans le cadre d'une charte de confiance signée par le travailleur ayant pour but de définir les étapes d'un traitement, un consentement explicite du travailleur est nécessaire.